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Pourquoi faut-il détester Apple ?

septembre 3, 2010

Il y a une espèce de gens dont je soupçonnais l’existence mais que j’ai vraiment appris à connaitre et à mépriser pendant mes années de blogging sur la musique. On pourrait les appeler des trolls, sauf qu’ils sont tellement nombreux qu’ils vous donneraient presque l’impression que le troll, c’est vous. Un peu comme si vous vous étiez perdu dans l’université de l’été du FN avec un vieux badge « touche pas à mon pote ». Cette espèce de gens dont je veux parler, c’est bien sur les rockistes.

Tout comme le raciste différencie les gens selon leur appartenance ou non à une race jugée supérieure, le rockiste n’a que dédain pour tout ce qui n’est pas « rock ». Bien sûr vous me direz, tant pis pour lui s’il ne sait pas discerner ce qu’il y a de génial chez R. Kelly, ou ce qu’il y a de ridicule chez les Sex Pistols. Ce n’est pas comme si c’était grave. Si les rockistes vous énervent, vous pouvez toujours choisir de ne pas lire Rock’n’Folk.

Le rockisme, c’est une façon de voir les chose particulièrement développée chez les boomers, qui peut s’appliquer à tous les sujets. C’est l’histoire de l’underground contre l’establishment. Les jeunes rebelles contre les géants croulants, c’est une histoire sans doute plus vielle que le rock. Au moins aussi vieille que la première fois qu’on a parlé d’avant garde en dehors d’un champ de bataille.

C’est une façon de voir les choses assez séduisante, qui souvent est même assez efficace. Dans le rock, l’histoire a même développé des variantes pour faire face aux cas les plus classiques : l’outsider qui devient star peut-être corrompu par le succès, auquel cas une nouvelle génération d’outsiders viendra prendre sa place, et il deviendra le has been. Le has been peut cependant revenir en grâce auprès des rockistes s’il fait pénitence à travers un album modeste genre « retour à mes racines ». C’est pas dur, Johnny Halliday l’a fait à peu près 50 fois.

johnny et nicolas

Les jeunes n’en n’ont plus rien à foutre du rock, heureusement.

Les rock stars d’aujourd’hui, pour certains, ce sont les milliardaires du web (cf les films Iron Man où Tony Stark ressemble à un super Steve Jobs). Les choses changent mais le schéma reste le même : si Microsoft c’est le Rat Pack, que plus personne ne trouve cool à part les croulants, tu en déduis qu’Apple c’est Chuck Berry ou Bob Dylan et Google devient les Rolling Stones. Firefox c’est Pink Floyd, peut-être. Facebook serait David Bowie, aussi admiré que détesté. Selon ce mode de pensée, pour certains blogueurs tous ces types sont devenus des monstres à abattre, et il faut aider les jeunes punks (Twitter ? Diasporah ?) à le faire.

Ca peut paraitre horriblement déprimant d’observer cette ferveur, cet investissement émotionnel de jeunes dans ce qui reste avant tout des entreprises capitalistes vouées à leur soutirer le maximum d’argent. C’est parce que ça l’est. Mais c’est aussi tout à fait adapté : le rockisme n’est jamais qu’une version de l’idéal capitaliste et darwinien.

C’est toujours mieux que l’idéal fachiste, me direz vous, mais le rockisme a ses limites. Qu’est-ce qu’on fait des Rolling Stones quand ils ont 70 ans ? Qu’est-ce qu’on fait quand on est devenu soi même l’establishment ? On se laisse bouffer ou bien on abandonne ses principes ? Pour ne pas avoir à répondre à ces questions, beaucoup des groupies de Steve Jobs et des Stones parviennent à se persuader contre toute évidence que l’establishment, ce n’est pas eux.

Steve Jobs mozzarella head

Et puis qu’est-ce qu’on fait de ces musiques qui n’ont jamais intégré les valeurs du rockisme, à commencer par toute la musique noire américaine ? Si tu pense comme un marteau, tous les problèmes finissent par ressembler à des clous, et si tu pense comme un rockiste, ils ressemblent à un establishment.

On est en 2010 et toutes les utopies ne sont pas mortes : certains croient encore qu’il y a des rocks stars du business, des rock stars de Twitter, des rock stars du jeu vidéo, des rock stars de la télévision, des rock stars du LOL et des rock stars du whuffie.

Il doit bien y avoir une façon plus efficace de considérer tout ça. Il va falloir se raconter une nouvelle histoire pour le XXIème siècle, qui prend en compte le fait que les rock stars sont souvent là pour nous entuber, que les undergrounds ne valent pas toujours mieux que les establishment, que le tiers monde n’en n’a rien à foutre et qu’il va faire plus que nous ringardiser et que face au réchauffement de la planète il y a mieux à faire que d’investir dans les tongs.

Enfin bon, pour répondre à la question du titre : Apple fait du prog-rock, et vous avez l’air d’un gros beauf avec votre iPhone.

2 commentaires leave one →
  1. septembre 3, 2010 10:59

    M’en foût, je me suis pris un Google Nexus One… à la Joy Division, quoi…

    • 2goldfish permalink
      septembre 3, 2010 11:00

      Yep, moi aussi. Mais je l’imaginais plus comme un Devo, en fait.

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