Aller au contenu principal

Iron Man vs. Batman : le combat des milliardaires

juillet 26, 2013

AVERTISSEMENT : Cet article va être plein de spoilers. Si vous ne les avez pas vus mais que vous ne voulez pas vous gâcher Iron Man 3 et The Dark Knight Rises, munissez-vous d’un objet lourd, comme un marteau, et une fois parvenu au bout de votre lecture, utilisez-le pour frapper très fort sur votre boîte crânienne.

Chez DC Comics, il y a deux héros principaux. Le premier est un type sympa, journaliste, issu d’un milieu modeste, qui se bat pour les petites gens et dont l’ennemi juré est une personnification des mauvais côtés du capitalisme. L’autre est un milliardaire psychopathe qui se déguise pour taper sur des pauvres. Alors bien entendu on trouve Superman ridicule et Batman beaucoup plus intéressant.

Chez Marvel, on a aussi un super-héros milliardaire, et en plus on en a fait un marchand d’arme. Ses ennemis principaux sont… plutôt nuls. Peu importe puisque la différence entre Marvel et DC, cependant, c’est que leurs héros ne sont pas définis par leurs ennemis : ils ont des défauts, des contradictions internes, qui sont la véritable source de conflit chez eux. C’est pour ça qu’il n’y a pas un seul super-vilain aussi emblématique que le Joker chez Marvel. Le principal problème de Spider Man, c’est sa vie privée, pas le Dr Octopus et le héros Marvel ultime est probablement Hulk puisque son pire ennemi, c’est lui même. Tony Stark de son côté doit affronter ses problèmes cardiaques, son alcoolisme et, en particulier dans les films, l’industrie de l’armement dont il fait partie.

Bref, Iron Man et Batman sont tout à fait semblable sauf que pas du tout. Et c’est surtout le cas pour leur dernier film à chacun : The Dark Knight Rises et Iron Man 3. Boum Box a donc décidé bravement la réouverture de sa rubrique « critique de cinéma en retard » pour poser la question au niveau artistique, politique, social, littéraire et sémiologique : lequel de Batman ou d’Iron Man est le plus fort ? Batman-and-Ironman-combined Esthétiquement, The Dark Knight Rises est comme tous les films de Nolan : assez inintéressant. On parle ici du réalisateur qui, une fois qu’il a obtenu le budget et la liberté créative de faire le film qu’il a toujours voulu faire, a pondu Inception. Un film onirique où le monde des rêves ressemble à un film d’espionnage de série B avec Matt Damon. Et dans ce film comme dans Batman, c’est Hans Zimmer qui fait la même musique anonyme et pompeuse.

C’est pas grave, c’est pour ça qu’on a embauché Nolan : pour faire un Batman « sombre » et « réaliste » qui ferait oublier les bat-tétons crypto-gays du Batman de Joel Schumacher. C’est réussi, ce Batman est dépourvu de toute imagination, il a même la Catwoman la moins sexy de l’histoire des Catwomen. On n’est pas là pour rigoler, c’est un film sérieux.

De son côté Iron Man passe des mains de Jon Favreau à celles du réalisateur-scénariste Shane Black, qui n’est franchement pas un esthète. La direction artistique est sans intérêt, et la musique ridicule. Le point fort d’Iron Man 3 par rapport à TDKR, c’est qu’il est drôle. Entre l’humour et une palette pleine de couleurs primaires, il n’est pas très étonnant que le film n’ait pas été pris avec le même sérieux.

Même avec Marion Cotillard dans le film, Batman remporte donc assez facilement ce round. Ce qui est assez dommage, parce que sur tous les autres points, The Dark Knight Rises est un film assez puant. tumblr_mc8mn2TAfk1qaax88o1_500
Au delà de leur super héros super riche, les deux films ont un point commun structurel remarquable : la révélation, vers la fin, que le méchant n’était pas celui qu’on croyait. La révélation, dans les sectes comme dans les films, est un procédé de manipulation très efficace, qui permet à celui qui la pratique de se poser en détenteur de la vérité. L’auteur est cependant encore plus fourbe que le gourou lorsqu’il utilise ce mécanisme dans son scénario, puisqu’il a lui même établit la vérité qu’il pourfend. Méfiez-vous des auteurs !

La révélation du « vrai méchant » est particulièrement significative dans un film de super héros parce que, comme on l’a vu, le méchant définit souvent le héros, et donc le film. Avec son aura de sérieux, l’évocation de vrais sujets comme Occupy Wall Street et la Terreur, The Dark Knight Rises semble a priori vouloir dire quelque chose d’IMPORTRANT. Mais comme pas mal de blockbusters hollywoodiens, TDKR cultive une ambiguïté volontaire en accumulant les signifiants de l’importance pour affirmer l’existence d’un son sens profond sans avoir besoin de vraiment s’engager à dire quoi que ce soit.

Tels Batman balançant un pauvre type au dessus du vide pour lui faire cracher la cachette du Joker, on va tout de même insister pour interpréter ce que le film dit malgré sa ferme intention de ne pas s’engager. Voilà ce qu’on comprend : le peuple est en colère contre ses élites et il faut qu’elles sortent de leur tour d’ivoire pour l’aider. MAIS en fait non, le peuple est simplement manipulé par des forces étrangères qui veulent le chaos. L’ordre sera rétablit par un milliardaire qui se sera retrouvé lui même lors d’un stage management & varappe. A la fin, il partira à Venise avec la bonne et tout le monde sera heureux de retourner au Statu Quo.

Le saviez-vous ? Chaque année, des millionaires de plus en plus nombreux meurent en tentant d’escalader l’Everest, cette pyramide de Maslow naturelle. Aujourd’hui, on fait la queue pour escalader la plus haute montagne du monde et « se dépasser soi même ». Les millionnaires croient souvent être des Bruce Wayne, mais ils peuvent pas test.

Le saviez-vous aussi ? Pendant que les élites vivent leurs fantasmes paranos et mégalos à travers les aventures de Bruce Wayne, Occupy Wall Street n’a ni été créé ni récupéré par des forces politiques « classiques ». C’est le Tea Party, son contraire idéologique, qui, REVELATION, a été créé de toute pièce par les frères Koch. Mais parler du tea party en 2012, ça aurait fait moins « film important qui parle de l’actualité de maintenant ».

23d

Pendant ce temps chez Marvel, on ne s’est jamais autant pris au sérieux que chez Warner, mais on a quand même tout de suite compris le problème qu’il y avait à avoir pour héros un marchand d’arme (si vous voulez voir un film de super héros avec de gentils marchands d’arme, il faut voir Green Lantern de… Warner Brothers, tiens).

La trilogie Iron Man raconte donc la lutte de Tony Stark pour s’échapper du complexe militaro-industriel qui a fait la fortune de sa famille depuis la seconde guerre mondiale. Dans le premier il décide d’abandonner l’armement et de devenir un producteur d’énergie propre. Dans le second, il s’assure que ses nouvelles technologies ne soient pas détournées à des fins militaires par ses ex-concurrent. Dans le troisième acte, la logique dramatique veut qu’il fasse une rechute avant de triompher définitivement : il se laisse entraîner dans une nouvelle guerre par le Mandarin, un méchant classique des comics pompé sur Fu Manchu, donc une personnification du Péril Jaune.

Shane Black en fait un personnage plus proche d’Oussama Ben Laden, et ce n’est pas que pour être politiquement correct. Le twist du film est en effet très semblable à celui du Batman, sauf que c’est l’inverse : on découvre que les problèmes qui semblaient venus de l’étrangers avaient en fait une source locale. Le Mandarin n’est qu’un pantin, dont les vidéos sont tournées en Floride, et ceux qui le manipulent, qui ont tout à profiter de la guerre, c’est ce fameux complexe militaro industriel américain, qui est de mèche avec le vice président. Vous l’aurez sans doute reconnu, le scénario d’Iron Man 3 est peu ou prou une réécriture de celui écrit par Dick Cheney et George W. Bush pour leur grand succès : « War On Terror ».

La différence, c’est qu’on est dans film de super héros, et que Tony Stark est plus fort et plus courageux qu’Obama : il parvient à mettre un terme à cette guerre perpétuelle, à faire jeter Dick Cheney en prison et pour finir il décide même de détruire tous ses drones. Quand Batman était un fantasme de conservateur vaguement parano, Iron Man est un rêve de libéral déçu d’Obama, mais il y a Robert Downey Jr qui cabotine et un gamin trop attachant dans le film, donc fort heureusement personne n’ira prendre tout ça trop au sérieux. VH-meme-iron-man

Nous avons donc établit clairement que Batman représente l’idéal de la droite américaine, alors qu’Iron Man est celui de la gauche. La gauche caviar, sans doute, puisqu’il est milliardaire, mais une gauche avec des idéaux un poil moins puants que ceux des marchands de guerre.

Cette révélation nous permet en tout cas de conclure indubitablement lequel de Batman ou d’Iron Man est le plus fort. Jetez donc un œil à la réalité autour de vous : Dick Cheney vit une retraite paisible avec l’argent d’Halliburton, George W. Bush peint des chiens alors qu’Obama a refusé de les poursuivre pour crime de guerre, qu’il n’a même pas fermé Guantanamo et passe ses journées à espionner les gens et envoyer des drones tueurs sur ceux qui ne lui plaisent pas. Clairement, l’un des deux idéaux l’emporte sur l’autre.

Consolez-vous, fans d’Iron Man, votre héros a quand même remporté le combat le plus important : au box office mondial, c’est lui qui a fait le plus d’argent.

Richie Rich Money

6 commentaires leave one →
  1. FibreTigre permalink
    juillet 29, 2013 16:14

    Très bon article.

    Je me permets néanmoins de dire…le contraire :-p

    Pour moi Batman est de gauche et Iron Man est de droite. Effectivement, ce sont avant tout des « justiciers ».

    L’idéologie de gauche estime que le criminel peut-être éduqué, accompagné, encouragé à s’intégrer dans une société.
    L’idéologie de droite estime que le criminel doit être puni pour ses crimes.

    Ainsi Batman en se résolvant à ne jamais tuer, à raccompagner patiemment chaque fou à l’asile, à parfois épargner de ce destin quelques criminels est profondément de gauche.

    En revanche, Iron Man, belliciste, qui est dans la punition voire la revanche, est profondément de droite.

    Sinon vous pouvez également découvrir le Ruban Bleu (http://www.lerubanbleu.com) une super héroine qui pour le coup est totalement de gauche !

    • 2goldfish permalink
      juillet 29, 2013 20:56

      Cet article parle évidement des derniers films de chacun, dans les comics, ensuite, c’est une autre paire de manche. Batman est très à droite quand c’est Frank Miller qui l’écrit, et beaucoup moins quand c’est Grant Morrison. Même chose pour Iron Man (mais il a moins d’auteurs marquants pour moi, donc je ne saurais pas vraiment me lancer dans une analyse).

  2. juillet 29, 2013 16:31

    Gauche, droite… osef. Ce qui compte c’est d’être riche et d’avoir le pouvoir, après, on s’entend.

  3. juillet 30, 2013 13:01

    Il faut dire qu’il y a une inversion de certaines caractéristiques droite/gauche entre la France et les US.
    Ces dernières années, le bling bling d’Iron Man, c’est clairement le Sarkozysme en France, mégamind justicier show off, méchant avec les méchant, charmeur de ces dames. Comme Bill Gates. Tandis que Batman a ce côté dépressif et culpabilisé qui colle bien avec la gauche actuelle, mais aussi avec le côté « born-again » de Bush et son passé d’alcoolo. Bon Iron Man est alcoolo, mais ça n’a rien à voir, c’est un bon vivant, clairement amoral et athée. Pas un bigot investi d’une mission de sauvetage de l’humanité par une apparition divine.
    Enfin tout ça c’est compliqué

    • 2goldfish permalink
      juillet 30, 2013 15:17

      Bien vu. L’axe droite-gauche n’est pas le seul pertinent, loin de là : si le Tony Stark des films évoque un personnage réél, c’est Steve Jobs, qui a toujours réussi à n’être marqué ni à droite, ni à gauche (même si bon, clairement, c’était un fachiste, AMHA). Il est évidement aussi pas mal inspiré de la personnalité de Robert Downey Jr lui même, bien entendu.

  4. décembre 18, 2013 12:18

    Yep Super…

Laisser un commentaire