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Avez-vous besoin de Google Glass ?

juillet 1, 2013

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Les Google Glass vont bientôt être disponibles pour le grand public, et elles vont être la plus grande révolution dans le monde des lunettes depuis l’invention du monocle. Une étude de marché leurs prédit un succès comparable à celui de l’iPhone. Pourtant quand Google les a révélées pour la première fois, tout ce que les journalistes trouvaient à dire sur le sujet c’était que ça avait l’air sympa mais qu’ils doutaient que quiconque soit prêt à assumer de porter un truc aussi ridiculement geek. Il faut croire que le long labeur des geeks pour être perçus comme des connards misogynes comme les autres a enfin payé : aujourd’hui, Google Glass pourrait devenir mainstream.

Passé le problème de l’apparence, on a donc commencé à réfléchir aux implications pour nos vies privées et nos relations sociales, et ces bêtes lunettes ont cristallisées autour d’elle tout un tas d’enjeux et d’anxiétés. Au point que des représentants d’hôpitaux, de chaînes de cinéma, de casinos et des patrons de bars ont déjà annoncé qu’ils avaient ou allaient interdire les Glass chez eux. Au point qu’un mouvement « Stop The Cyborgs »  se soit lancé contre Google Glass. Au point qu’un sénateur américain envisage déjà de les interdire au volant, et que le congrès américain ainsi que le Canada, le Mexique, Israël, la Nouvelle Zélande, l’Australie et la Suisse ont décidé de questionner Google sur le sujet. Et toute cette paranoïa, c’était avant PRISM et la confirmation de ce qu’on savait tous déjà : la NSA enregistre tout ce qu’on fait sur internet.

C’est un peu extrême pour un appareil qui ne fait rien qu’un smartphone ne puisse déjà faire, mais qui le fait sur notre nez.

XKCD Google Glass

Comment exactement les Glass ont-elles pu générer une telle panique morale ? On peut classer les arguments des anti-Glass dans deux catégories. La première, c’est la peur du porteur. Par exemple,  si quelqu’un porte des Google Glass, comment savoir si vous avez son attention, s’il n’est pas en train de regarder du porn pendant qu’il vous parle ? De l’avis de tout ceux qui se sont trouvé dans cette situation, ça se voit tout de suite. Le vrai problème : les Glass pourraient l’inciter à vous ignorer pour regarder du porn, ou vérifier les cours de ses actions, checker ses emails, etc… Et ce alors que vous vous en rendez parfaitement compte. Ce qui, encore une fois, est déjà tout à fait possible avec un smartphone, bien sûr.

Plus grave problème : comment savoir si les Glass ne vous filment pas ? Certains imaginent déjà un futur où on pourrait être filmé partout, tout le temps, à notre insu. Sans aucun moyen de le savoir. Beaucoup n’ont pas pris la peine de se renseigner un minimum pour apprendre qu’une LED rouge s’allume lorsque les Glass filment, rendant l’action assez visible. Surtout, ils semblent oublier qu’on peut déjà filmer et photographier à tout moment et en toute discrétion avec un smartphone (ou d’autres appareils plus discrets encore que les Glass). N’ont-il jamais entendu parler des creepshots ?

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La réponse de Google à toutes ces inquiétudes ? Un communiqué assez bref où ils expliquent qu’ils ont conçus leurs Glass de façon à ce qu’on voit lorsqu’elles sont utilisées, et qu’ils comptent bien que des conventions sociales s’établissent autour de leur usage. Après tout, si tout le monde ne filme pas n’importe qui, n’importe quand dans la rue, ce n’est pas à cause de limitations techniques mais bien grâce aux conventions sociales.

Mais ces conventions ne sont pas écrites dans la pierre. Elles se font et se défont au fil du temps, et l’impact des smartphones, par exemple, est encore loin d’avoir fait sentir toutes ses conséquences. Il y a quelques années, on se sentait bien confortés dans nos préjugés sur le Japon, pays des pervers, en apprenant que leurs iPhones étaient les seuls sur lesquels on ne pouvait désactiver le son de l’appareil photo, une contrainte imposée pour limiter le nombre de photos prises sous les jupes dans le métro. A l’époque, on ne parlait pas encore chez nous du phénomène des creepshots, mais il aura suffit de quelques années pour que la pratique devienne mainstream. Il y a quelques années, les sites de revenge porn faisaient les gros titres parce qu’ils prétendaient publier des sextapes envoyées par des ex amants mauvais perdants, mais ils n’étaient remplis que de fausses vidéos amateurs. Aujourd’hui, n’importe qui publie les photos nus de n’importe qui juste pour s’amuser.

Même chose avec le problème de l’attention : combien d’entre nous n’auraient pas envoyé de SMS pendant un dîner en tête à tête il y a quelques années mais regardent leurs mails sans y penser maintenant ? La tentation de jeter un œil à son smartphone est telle que dans certains milieux, on joue un jeu lors des dîners : tous les convives posent leur téléphone ensemble sur un coin de la table, et le premier qui va récupérer le sien paye l’addition. En réduisant de quelques secondes le temps qui nous sépare des distractions, les Glass ont donc le potentiel de faire de nous encore un peu plus des connards.

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Si votre smartphone n’a pas encore complètement détruit votre attention, vous vous rappellerez peut-être que j’avais évoqué l’existence d’une seconde catégorie de glassophobie. La première était la peur du porteur, celle-ci est la peur de Google.

Glass, encore plus que la X-Box One avec sa caméra de salon directement inspirée de 1984, a un potentiel orwellien énorme. Il y a déjà tout un tas de lifeloggers et d’apôtres du data-self qui fantasment sur le potentiel des Glass. A travers eux la norme d’usage des Glass pourrait devenir « enregistrer tout, trier plus tard ». Google sera de toute façon plus que content d’accueillir toutes ces données sur ses serveurs (le seul problème, pour l’instant, ce serait plutôt l’autonomie des Glass). Imaginez le pouvoir des datas ainsi collectées associées à la reconnaissance faciale. Sentant que parler de « conventions sociales » ne suffirait par sur ce coup, Google a d’ores et déjà interdit les applications utilisant cette technologie, mais ce n’est pas comme si Google était capable d’interdire à la NSA d’espionner ses utilisateurs.

De toute façon, peu importe qu’on choisisse ou non d’allumer nos Glass toute la journée. Avec le Murdochgate qui a éclaté l’an dernier, le public apprenait que ce n’était pas bien difficile pour des hackers d’activer les micros des téléphones et d’enregistrer ce qui se disait en dehors d’une conversation téléphonique. Big Brother pourrait facilement allumer nos Glass à notre insu pour filmer tout ce sur quoi nous posons le regard. La seule vraie solution pour échapper à cette surveillance serait de faire comme Edward Snowden et demander aux gens qui rentrent chez vous de mettre leurs appareils au frigo.

Avec Google Glass, tout espace public devient potentiellement beaucoup plus public, et les espaces privés ne le sont plus tellement. Cela dit, encore une fois, ce n’est pas comme si nous ne pouvions pas déjà être tous tracés par nos smartphones. L’image n’est vraiment qu’une donnée supplémentaire potentiellement riche en enseignement mais pas du tout indispensable pour savoir tout ce qu’il y a d’important à savoir.

Au final, la question que chacun doit se poser, c’est celle là : avons-nous vraiment besoin de Google Glass ? Sommes nous prêts à détruire nos relations sociales et risquer de vivre une dictature totalitaire de type nord-coréen pour profiter des quelques services rendus par un appareil électronique un peu trop intelligent ? En fait on aurait du se poser cette question il y a dix ans. Posée ou pas on y de toute façon déjà répondu par un grand « oui ». C’est probablement trop tard maintenant, on ne peut plus retourner aux 90’s problems.

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La seule question qui reste donc à poser, c’est celle là : qu’est-ce qui va nous empêcher de courir vers les porteurs de Glass dans la rue en criant « OK Glass, go to goatse.cx » ? Et la réponse c’est : rien. Rien du tout.

10 commentaires leave one →
  1.      permalink
    juillet 1, 2013 14:52

    Je m’y vois déjà.

  2. Turles permalink
    juillet 1, 2013 15:05

    Googling power level…

  3. Vegeta permalink
    juillet 1, 2013 15:08

    You’ve been vined.

  4. Goku permalink
    juillet 1, 2013 15:09

    Oops, my bad…

  5. juillet 1, 2013 16:41

    Ça sera toujours plus discret que la gopro que j’ai scotchée à mes lunettes…

  6. recher permalink
    juillet 9, 2013 17:17

    À propos du « OK Glass, go to goatse.cx »
    Je crois que ça pourra pas fonctionner. Les Glass sont supposées réagir à la voix de l’utilisateur, et pas à celle des autres. (J’imagine qu’il y a un espèce de calibrage sur la voix qui se fait au début).

  7. masterludo permalink
    juillet 18, 2013 11:22

    Je suis pas prêt pour me faire filmer sans cesse dans la rue, ça me dépasse un peu ce truc…

    • 2goldfish permalink
      juillet 23, 2013 19:32

      Ne t’en fais pas, tu crois que tu n’es pas prêt et pourtant, tu vis déjà très bien avec :)

      • masterludo permalink
        juillet 24, 2013 00:59

        Ca finit moins souvent sur youtube pour des trucs à la con, mais c’est un autre souci en effet.

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