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Keep calm and read the internet

mars 10, 2013

Donc en gros, il y a quelques jours de ça, les twittos royaume-uniens se sont élevés contre l’oppresseur. Tels leurs congénères d’Iran ou de Syrie, ils ont utilisé le réseau social officiel des révolutions pour crier leur colère. A l’origine de la fronde, une série de t-shirts vendus sur Amazon.co.uk :

keep calm and rape a lot

Je ne vais pas vous faire un discours sur la liberté d’expression sur les t-shirts. La liberté d’expression, je suis plutôt pour, mais un jour dans une boutique à Harajuku j’ai trouvé un t-shirt avec une grosse croix gammée et ça m’a fait un peu bizarre dans mon coeur. Arrêtez avec vos questions personnelles.

Non, ce dont je voudrais vous parler, c’est de compréhension des algorithmes et de compréhension des internets. Comme l’explique Pete Ashton sur son blog où j’ai piqué cette anecdote et les 2-3 prochaines explications, dans cette histoire il y a plusieurs niveaux d’incompréhension de la part de la foule en colère. D’abord il y a une erreur d’attribution : ces t-shirts ne sont pas vendus par Amazon, mais par une entreprise appelée « Solid Gold Bomb ». Amazon, via son service « Market Place », joue un peu le même rôle que Le Bon Coin quand vous y vendez la collection de santons de votre grand mère presque morte. Ce ne sont que des intermédiaires et on ne saurait les tenir responsables de la présence d’un santon représentant le Maréchal Pétain sur leur site. Ou si vous pensez le contraire vous pensez aussi que Twitter devrait censurer les tweets racistes et que les FAI devraient contrôler les contenus pédonazis qui passent dans leurs intertubes et vous l’aurez bien mérité le jour ou vous vivrez dans un cauchemar orwellien.

twitprop

Mais le vrai malentendu, c’est que ces t-shirts n’existent pas. Non seulement ils sont imprimés à la demande, ce qui fait déjà qu’ils n’existent que potentiellement, mais surtout les mots « Keep Calm & Rape A Lot » n’ont jamais été pensés et écrits par qui que ce soit. Les petits malins derrière Solid Gold Bomb ont pris un mème, celui du détournement du poster « Keep calm & carry on », et ont créé un algorithme qui leur a permis de mettre en vente plus de 500 000 t-shirts différents proposant des variations sur ce mème. L’immense majorité des t-shirts générés automatiquement par l’algorithme n’ont aucun intérêt, voire aucun sens, mais peu importe puisque le coup de l’opération est nul. Sur la masse il est toujours possible de tomber par hasard sur un t-shirt qui va se vendre, même à un exemplaire.

MEME-Money

Qui blâmer dans cette affaire : Amazon qui permet un peu à n’importe qui de vendre n’importe quoi (mais qui a assez vite retiré les t-shirts une fois alerté)  ? Les mecs de Solid Gold Bomb qui n’ont pas pensé à inclure « rape » dans leur liste de mots interdits ? Moi je dirais qu’il faut plutôt blâmer les personnes qui ont crié au scandale sans prendre le temps de comprendre après qui ou quoi. Ceux qui ont perdu et fait perdre beaucoup de temps et d’énergie qui auraient pu être consacrés à la recherche sur le cancer ou au débouchage de mon évier.

Le vrai problème, c’est que les gens ne comprennent pas comment internet marche, et ne savent pas ce qu’est un algorithme. Pourtant une grande partie des twittos qui se sont rebellés contre ces t-shirts fantômes faisaient sans doute partie de la génération Y, aka les « digital natives », qui sont censés être nés avec une connaissance innée des intertubes, des médias sociaux, et fournir des exemples édifiants aux futurologues bullshitters pour leurs conférences TED. Du genre « pour ma fille, un magazine c’est une iPad en panne » ou  « Ma fille s’est levée et à regardé derrière la télé pour chercher la souris« . Et si ces exemples n’illustraient pas la capacités innées des jeunes ã comprendre les nouvelles technologies dans qu’on leur explique ? En fait, peut-être que les enfants des gourous du digital sont simplement stupides.

Parmi ceux qui ne croient pas que les enfants peuvent tout apprendre par osmose, il y a aujourd’hui ceux qui voudraient que tout le monde apprenne à coder à l’école. Le monde autour de nous est de plus en plus « programmé » et ce serait une bonne chose qu’on comprenne tous un peu mieux comment le monde fonctionne Et ce n’est pas en rediffusant Matrix et Minority Report sur TF1 qu’on va améliorer la situation.

- im gonna reroot the firewall database with tcp encoding and

Ce serait sans doute pas mal d’enseigner plus largement des rudiments de programmation mais certainement pas suffisant. A la lointaine époque de mon adolescence, j’étais censé faire partie d’une génération biberonnée à la télé, capable de comprendre tous ses codes et de voir à travers tous ses pièges. Je croyais à ces conneries, moi, quand je les entendais répétées à la télé. Et puis un jour au lycée j’ai du expliquer à un de mes camarades que non, les chaînes ne payaient pas les marques pour avoir le droit de diffuser leurs pubs. A la fac j’ai du expliquer à un groupe de travail que non, les infos sur TF1 et les infos sur Arte n’étaient pas les mêmes. J’ai du me rendre à l’évidence : ma génération était teubée.

C’est la même chose pour les « digital natives » : ils savent peut-être ce qu’est un hashtag comme mes potes savaient programmer leur magnétoscope avec le showview pour leurs parents, mais ça n’empêche pas qu’il tombent dans le panneau quand on essaye de leur faire croire que Facebook va devenir payant (le corollaire, c’est qu’ils croient donc que Facebook est gratuit) ou que quelqu’un chez Google lit vos mails.

On peut apprendre quelques techniques de survie de base par osmose, mais probablement pas à avoir une vision critique des structures de son environnement. Et apprendre aux jeunes à coder ce serait sûrement bien pour tout un tas de raisons, mais ça ne résoudrait pas plus les problèmes de compréhension des médias qu’apprendre à se servir d’un caméscope n’a évité à ma génération de laisser la télé choisir ses présidents pour elle.

Bien entendu, comme à l’époque des vieux médias, ça n’est dans l’intérêt de personne, que les jeunes comprennent vraiment comment marche le monde. Ils seraient foutus de se mettre à réfléchir ensuite, et qui sait où cette pente glissante pourrait nous mener ? Mieux vaut qu’on continue tous à se battre contre des t-shirts qui n’existent pas.

12 commentaires leave one →
  1. mars 11, 2013 00:51

    J’ai jamais été trop d’accord avec ces histoires de générations XY (parce qu’en gros, si j’ai bien compris, je suis trop jeune pour être de la génération X et trop vieux pour la génération Y), mais je trouve que ce truc de digital native est une escroquerie.
    Parce qu’à mon sens, une génération née avec l’ADSL tombé tout cuit dans le bec est précisément la moins bien placée pour saisir tout les tenants et aboutissants des internets.
    Pour moi, ceux qui maîtrisent le mieux le numérique, c’est en gros les 30-40 ans, c’est à dire ceux qui ont grandi (et se sont intéressé) avec les ordis 8 et 16 bits, l’émergence du PC, Windows95, les premières cartes 3D, les modems 56K et le web balbutiant. Ceux-là ont vécu le développement du net, voire même y ont participé, et pour beaucoup d’entre eux y bossent maintenant. À ceux-là à mon avis on ne la fait pas trop.
    Par contre, ceux qui ont eu un téléphone dès l’âge où ils pouvaient sortir de chez leurs parents sans se faire rouler dessus, ceux qui ont FB en page d’accueil ou ceux pour qui l’ordi se résume à une tablette, ceux-là sont paradoxalement largués. Pour eux, internet ça juste marche, et il n’y a pas d’autres questions à se poser. Suffit de voir les TT (donc mouvements de masse) sur Twitter et de cliquer sur certains d’entre eux pour voir que la jeunesse de France, et bien je veux pas dire, mais elle à l’air un peu conne, tout de même.
    Après bien sûr, il suffit de s’intéresser un peu pour lever un coin du voile, mais ça me parait un peu moins passionnant que l’époque pionnière des années 80-90 où on avait l’impression d’être en plein dedans, de vivre un mouvement de fond en temps réel. Même si c’est vrai que l’iPhone n’a que 5 ans et que ça va aujourd’hui encore plus vite.

    • 2goldfish permalink
      mars 11, 2013 11:33

      Plutôt d’accord, après il ne faut pas tiomber dans le travers de « les jeunes sont tous cons ». Parmi les 30-40 ans, ceux qui comprennent l’informatique sont tout de même une minorité, tout comme il y a une minorité dans la « génération Y » qui a la curiosité et l’intelligence pour comprendre un peu ce qui se passe autour d’eux. Ce qui est dommage, c’est que cette curiosité est assez mal encouragée par le système éducatif et la société en général.

    • mars 12, 2013 19:53

      Ouais, et ceux qui n’ont pas connu l’ère du télégraphe pionnier n’auront jamais compris les tenants et aboutissants du téléphone !

  2.        permalink
    mars 11, 2013 12:56

    Ouais, il faut interdire ce t-short aussi !

    • 2goldfish permalink
      mars 11, 2013 13:06

      Arrête ça tout de suite sinon Boumbox va se retrouver sur la liste des sites pédonazis interdits par l’Hadopi et nos lecteurs vont tous aller en prison !

      •        permalink
        mars 11, 2013 14:36

        Sauf avec 1 million de likes ; ça ça peut sauver Boumbox.

      • 2goldfish permalink
        mars 11, 2013 14:54

        avec 1 millions de likes, on pourrait sauver le monde.

  3. mars 11, 2013 15:10

    Pas super d’accord avec l’idée d’enseigner la programmation à tout le monde. C’est pas quelque chose de très compliqué dans le fond, mais ça donne un avantage non négligeable quand la copine bonnasse pas fute-fute te demande d’installer sa webcam dans la salle de bain.

  4. Ostro permalink
    mars 11, 2013 15:21

    Génération Y ≠Digital native. Fag.

    • 2goldfish permalink
      mars 11, 2013 15:23

      génération Y = génération Z = digital natives = millenials = bullshit. Monsieur.

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